FIBA Basketball

    Comment les JO ont changé la vie de Mwadi Mabika

    Le légendaire intérieur NBA Dikembe Mutombo connaissait déjà Mwadi Mabika grâce à ses nombreux voyages dans sa République démocratique du Congo natale, mais la star des Atlanta Hawks ne se doutait pas...

    ATLANTA (USA) - Le légendaire intérieur NBA Dikembe Mutombo connaissait déjà Mwadi Mabika grâce à ses nombreux voyages dans sa République démocratique du Congo natale, mais la star des Atlanta Hawks ne se doutait pas de l'envergure que celle-ci allait prendre au fil des années.

    Et même si Mabika a eu énormément de succès avec les Los Angeles Sparks, il était écrit que la ville d'Atlanta allait également jouer un rôle important dans la vie de la double championne WNBA.

    C'est à Atlanta, lorsqu'elle a représenté le Zaïre (renommée plus tard République démocratique du Congo) aux JO de 1996, que Mabika s'est révélée au monde du basket.

    C'est aussi depuis Atlanta que nous avons réussi à joindre Mabika par téléphone. Nous lui avons demandé de passer en revue sa carrière et de nous parler de l'impact positif qu'a eu le basket sur sa vie. 

    Double participante au FIBA Women's AfroBasket, Mabika nous donne ses impressions sur le futur de son sport favori non seulement en République démocratique du Congo, mais aussi en Afrique.

    Nous ne pouvons pas évoquer votre parcours sans commencer par Kinshasa, votre ville natale où vous jouiez au basket avec des garçons de votre âge, jusqu'au jour où Dikembe Mutombo a débarqué. Vous aviez 18 ou 19 ans, n'est-ce pas ? 

    Je suis très reconnaissante d'avoir eu la chance d'être repérée par Dikembe Mutombo, qui m'a fait venir aux USA. Je n'aurais jamais pensé qu'une telle chose m'arriverait. Dikembe m'a aidé à réaliser mon rêve.

    Il était venu assister à un tournoi. Et à l'évidence, j'étais la plus en vue. Il m'a appelée et il m'a dit : "Continue à travailler dur et nous verrons bien ce qu'il se passera." L'année suivante, nous nous étions rendues à Atlanta pour les JO de 1996. J'avais été l'une des meilleures joueuses là-bas (Note de l'éditeur : Mabika avait figuré parmi les meilleures marqueuses de la compétition avec une moyenne de 17.3 points par match).  Beaucoup d'universités avaient été impressionnées par moi. Elles discutaient avec lui pendant que je jouais.

    Des unis comme Georgetown, Howard et Old Dominion, elles voulaient toutes que j'aille chez elles. Dikembe m'a dit : "Écoute, j'ai entendu que beaucoup de joueuses essaient de rester en Amérique, mais en tant que frère, je te recommande de rentrer au pays. Je m'occuperai de toi. Je te ferai parvenir toutes les informations et tu pourras revenir aux USA. "Je lui ai fait confiance et je suis retournée au Congo. Ensuite, il a tout entrepris pour permettre mon retour sur sol américain. C'est en fait comme ça que tout a commencé.


    Vous êtes retournée aux USA en 1997, signant avec les Los Angeles Sparks pour la saison inaugurale de WNBA. En dépit de vos remarquables succès avec deux titres, vous avez poursuivi votre engagement en sélection nationale. Que représentait cette équipe pour vous ?

    Elle avait beaucoup de signification, car c'était grâce à elle que j'avais pu être repérée aux USA. J'ai toujours été reconnaissante. Les gens qui me connaissent savent que je suis Congolaise de cœur. Même maintenant que je suis à la retraite, j'ai plein de trucs là-bas. J'y rentre chaque année. Si ce n'était pour ma fille, je retournerais y vivre. Elle a 8 ans et c'est pour son éducation que je reste ici. Mais au plus profond de moi, mon cœur est vraiment au Congo.

    J'ai toujours apprécié d'y retourner et de redonner à mon équipe nationale, à mes coéquipières et aux jeunes. J'essayais constamment de montrer à celles qui voulaient m'imiter la voie à suivre pour devenir un jour basketteuse professionnelle.


    Revenons aux JO de 1996. Vous étiez l'une des plus jeunes de l'équipe, vous aviez d'ailleurs fêté vos 20 ans durant l'Olympiade. Le Zaïre avait été opposé aux USA, à l'Ukraïne, à l'Australie, à la Corée, à Cuba, à la Chine et au Canada. Qu'est-ce qu'il vous venait à l'esprit au moment d'affronter ces grandes équipes et leurs joueuses super talentueuses ?

    J'ai joué contre ma future coéquipière aux LA Sparks Lisa Leslie. Nous étions évidemment très impressionnées, c'était une expérience inoubliable pour nous. C'est le rêve de tout le monde de disputer des JO. Pour une jeune Africaine, de se retrouver comme ça en Amérique, devant autant de monde, sur une scène si grande, c'était fantastique. Et deux ans plus tard, j'ai eu la chance de jouer aux côtés de certaines de ces joueuses.

    Mwadi Mabika lors de la confrontation contre les USA, aux JO de 1996

    N'oublions pas qu'en 1996, le Zaïre est devenu le premier pays africain à participer au Tournoi olympique féminin.  

    Je ne le savais pas ! Vous me l'apprenez. Nous avions une super équipe et notre président d'alors Mobutu [Sese Seko] aimait vraiment le basket féminin. À chaque fois que nous allions disputer ces grands tournois tels que le championnat d'Afrique, on s'occupait très bien de nous. C'est la raison pour laquelle nous avons pu nous hisser jusqu'en finale et remporter la compétition continentale en 1994, nous qualifiant ainsi pour les JO. J'espère que nous y retournerons un jour.

    Mukendi Mbuyi (Zaïre)

    Vous avez pris part à deux reprises au FIBA Women's AfroBasket (2005 et 2007) et vous avez représenté le Zaïre au Championnat du monde junior en Corée en 1993. Il semblerait que vous ayez vécu de très beaux moments avec l'équipe nationale.  

    Les choses ont changé. Ce n'est pas très structuré. Peu de gens apportent leur soutien financier, et pas seulement en ce qui concerne les équipes nationales. Autrefois, avant les équipes nationales, il y avait tout d'abord de bons clubs et de bons coachs. On enseignait les fondamentaux aux enfants. C'est ce dont nous avons besoin à présent, une structure. Mais tout le monde veut être le chef, il n'y a aucune structure, et ceux qui finançaient auparavant les clubs ne sont plus là.

    La République démocratique du Congo a pris le 6e rang du FIBA Women's AfroBasket 2019

    Je me sens investie d'une responsabilité de relancer le basket féminin au pays. Malheureusement, la mentalité n'est plus la même. Beaucoup de choses se sont passées alors que j'essayais d'aider et je n'ai pas du tout aimé cela. J'ai donc décidé d'attendre d'être vraiment prête et lorsque je retournerai vivre au Congo, je lancerai mon propre truc. Je veux créer mon équipe. J'irai leur enseigner moi-même.

    Et quels sont vos plans, si vous en avez, pour le basket dans votre pays ? Serait-il par exemple difficile de mettre sur pied un camp de basket Mwadi Mabika à Kinshasa ou ailleurs ? 

    Ce ne serait pas du tout difficile. Au Congo, si tu apportes tout - matériel, ballons, équipements - les enfants viennent tout de suite. Le problème est que quand tu dis à quelqu'un comment structurer une équipe ou que tu donnes des conseils, certains se sentent offensés. J'ai eu plusieurs occasions d'organiser un camp, j'ai fait de mon mieux, mais ça n'a pas fonctionné. Ce n'est pas un problème du tout.

    Le Nigeria et le Sénégal sont clairement les deux meilleures équipes féminines actuelles en Afrique. Elles ont toutes deux réussi un joli parcours à la Coupe du Monde Féminine FIBA 2018. Comment analysez-vous leur succès ?

    La raison qui fait que ces équipes jouent aussi bien, c'est qu'elles ont de nombreuses joueuses évoluant aux USA. Elles retirent les bénéfices du système américain et les joueuses ont envie de défendre leurs couleurs nationales. En comparaison, la plupart de mes compatriotes que nous faisons venir ici aux USA ne vont pas très loin. Certaines arrêtent l'école, la mentalité est totalement différente. Il n'y en a que très peu qui jouent aux USA. À défaut de cela, il faut au moins pouvoir se reposer sur des bonnes structures, sur des bases solides.


    Quand vous passez en revue votre carrière, quelles sont les choses qui vous reviennent à l'esprit ? Comment vous êtes-vous ajustée à la vie de professionnelle, pas uniquement aux USA, mais aussi en Europe, où vous avez évolué entre les saisons WNBA ?

    C'était une formidable expérience. Une chose que j'ai apprise dans le monde du sport aux USA, c'est qu'il faut travailler très dur. Si tu le fais, tu obtiendras des résultats. Je ne veux pas trop me mettre en avant, mais j'ai joué un rôle prépondérant, surtout lors de notre second sacre WNBA (en 2002). J'avais décidé de ne pas aller en Europe, car un de mes genoux me gênait. Je voulais que notre équipe progresse. J'en ai parlé avec le club et je leur ai fait part de mon envie de rester aux USA. J'en ai profité pour m'entraîner avec [le coach des LA Sparks] Michael Cooper pendant six mois. Après toutes ces séances d'entraînement, je pense que j'ai réalisé la meilleure saison de ma vie. J'ai été parmi les finalistes pour le titre de MVP et j'ai été élue dans le 'WNBA first-team', j'ai participé au 'All-Star Game', et la saison s'est achevée sur un second titre.  

    Quel message souhaiteriez-vous transmettre aux jeunes joueuses qui veulent devenir une Mwadi Mabika ?  

    Soyez patientes, travaillez dur et essayez de jouer contre des garçons, cela vous aidera à être plus fortes. Croyez en vous. Je jouais tout le temps avec eux. Le basket était ma passion. Je me souviens des matchs NBA que je regardais, avec notamment les Chicago Bulls de Michael Jordan : à chaque fois que je voyais Jordan réussir une nouvelle belle action, après l'école, je me rendais sur le terrain de basket pour tenter de l'imiter. Je voulais vraiment faire partie des meilleures.


    Quelle joueuse et quel joueur étaient vos idoles en grandissant ? 

    Cathy Lingenga était mon modèle. Elle était l'une des meilleures joueuses d'Afrique. Quand le Zaïre remportait toutes ces compétitions, elle en était la raison principale. Si la WNBA avait existé à son époque, elle en aurait été l'une des meilleures. En ce qui concerne la NBA, Michael Jordan était évidemment mon joueur préféré.

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