BEL – Goethals, le grand Monsieur de la sélection belge.
Toulouse (FIBA Championnat du Monde féminin -17 ans) - Daniel Goethals est un homme ouvert, touchant et attachant. En dehors de cela, c’est aussi un très grand coach de basket, passionné, qui vit avec et pour son groupe. Du haut de son double mètre six, tant l’homme que le coach placent le respect au-dessus de tout. ...
Toulouse (FIBA Championnat du Monde féminin -17 ans) - Daniel Goethals est un homme ouvert, touchant et attachant. En dehors de cela, c’est aussi un très grand coach de basket, passionné, qui vit avec et pour son groupe. Du haut de son double mètre six, tant l’homme que le coach placent le respect au-dessus de tout. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il y a de ces personnalités qui forcent le respect. Le coach belge, à l’expérience atypique, est assurément assurément l’un de celles-là.
FIBA : Voir une petite nation comme la Belgique être vice-championne d’Europe et présente – et de quelle manière – à ce premier mondial U17 doit être motif de fierté…
Oui, mais c’est souvent insuffisant. Quand on a des capacités comme celles que les filles ont, et que l’on a la possibilité d’entrer dans l’Histoire… c’est insuffisant. Peut-être aurait-on pu organiser et planifier la préparation différemment. Aujourd’hui, bien sûr, on bat la Chine et on peut dire que la préparation semble avoir été bonne. J’espère juste qu’on ne paiera pas les pots cassés en Quarts.
On a profité de la pause d’hier pour justement couper un peu, se balader le long du canal, analyser des vidéos et proposer des activités de team building, qui sont cruciales dans mon groupe. J’ai la chance d’avoir un groupe intelligent. Parce que tu as beau parler, faire des dessins et des croquis, changer les couleurs… Si elles ne pigent rien, tu ne peux pas grand chose. Et puis, il faut savoir gérer des stars, savoir les toucher… mais les toucher dans le bon sens : ne pas les frustrer, mais les pousser à se surpasser. C’est une question de crédibilité pour moi aussi: je dois être respecté tout en ayant toute l’attention et la confiance de mes joueuses.
FIBA : Depuis quelques matchs, on voit une Belgique totalement différente : le cas Abdelkader était-il vraiment un coup de poker(NDLR fin de match contre l'Espagne) ? Comment avez-vous changé la dynamique de ce groupe ?
Après la rencontre face à l’Argentine, j’ai organisé une réunion avec l’équipe. J’ai été très dur avec mon équipe, toute mon équipe ; même avec Emma (Meesemans, ndlr) à qui on a jamais rien à dire. Elle doit s’affirmer plus que cela, et revendiquer son statut de MVP des derniers championnats d’Europe et de joueuse clé. Mais tout le monde a pris, car on fait partie d’un groupe. Le staff essaie de tout –dans la mesure du raisonnable – donner aux joueuses pour qu’elles s’épanouissent et soient dans les meilleures conditions. En échange, je demande le respect total du staff et des coéquipières. Je ne privilégierai jamais une joueuse, aussi forte soit-elle, sur le groupe. Je n’aurai aucun état d’âme à mettre une joueuse de côté, même si elle plante 20 points par match.
Quand à Julie (Vanloo et capitaine de l’équipe, ndlr), je l’ai démontée. Je peux vous dire que si à moi, en tant que joueur, on m’avait parlé comme ca, je me serais levé, et j’aurais planté mes pompes dans la gueule du coach. Elle a eu un déclic. Même si c’est dur, elle sait que j’ai raison. Si tu es catégorique avec les cadres, les autres s’y plieront. Quand on est coach, on se doit d’envoyer des signaux forts.
Hind Abdelkader, c’était un vrai coup de poker. J’aurais pu ne pas la sélectionner. J’avais une 93 (fille née en 1993, ndlr) pour le même poste. Mais ce que l’on veut, c’est de l’investissement, que la fille mouille le maillot et joue pour le groupe. Elle sait ce que j’attends d’elle : qu’elle accumule de l’expérience en vue du prochain Euro. Schyvens, l’autre meneuse, ne marque pas facilement – même si elle s’arrache en défense. Hind joue à 2000%. Elle a beaucoup de sang-froid, et ne ressens jamais de pression. Il nous fallait des points à ce moment du match (contre l’Espagne, ndlr), on était à moins douze… Je n’avais pas grand-chose à perdre en essayant. Ca a payé. Certains diront que c’est du génie. D’autres un coup de bol…
FIBA : Vous avez l’un des groupes les plus jeunes. Vos exigences varient-elles ou avez-vous pris les meilleures, indépendamment de leur âge ?
L’âge n’est pas important pour moi. Ce que je veux avant tout, c’est que la fille montre qu’elle a envie de faire partie d’une aventure. Biebuyck ne joue pas, mais je sais ce qu’elle vaut. Elle évoluera d’ailleurs la saison prochaine dans mon club. Je la vois comme une « role player », capable de marquer des shoots quand on en a besoin. Elle a moins d’intensité défensive, mais en qualité de joker, comme Hind, elle aura surement sa chance. Elle sait parfaitement ce que j’attends d’elle également. J’aime leur rappeler que quoiqu’il arrive, elles ont beaucoup de chance d’être là. J’ai une fille qui a eu un grave accident de la route 10 jours avant le début de la compétition, on espère tous qu’elle pourra un jour rejouer au basket. A l’image de cet accident, je vais chercher des émotions pour leur faire comprendre qu’il y a plein de choses difficiles en dehors du basket. Il faut absolument relativiser. Le basket reste un sport, un jeu.
FIBA : La situation sociale et politique est particulière aujourd’hui en Belgique, pour ne pas dire tendue. Vous sentez-vous d’une quelconque mission de représentation ? Retrouve-t-on de ces tensions dans le groupe ?
C’est extrêmement important, merci de poser la question. J’ai joué pendant 16 ans en sélection belge, et je ne connais pas beaucoup de sports où l’on peut se sentir représenté par son équipe nationale. Mon assistante et mon team manager sont néerlandophones, la kiné est francophone. Moi-même, je prends des cours privés de néerlandais, beaucoup de mes meilleurs amis sont néerlandais. Tout ce qui m’intéresse, c’est représenter le noir-jaune-rouge. Je trouve vraiment dommage que l’on ne retrouve cette unité qu’à travers des compétitions sportives. Ca me chagrine beaucoup. Quand on voit une minorité de gens utiliser une différence linguistique pour servir des intérêts personnels, c’est lamentable. Je travaille pour la fédération wallonne de basketball, mon assistante pour la contrepartie flamande : quand on se regroupe, c’est toute la Belgique que l’on représente.
J’avais d’ailleurs écrit sur le tableau : « Only one team ». Je communique en anglais, néerlandais ou français. C’est une question d’efforts. D’efforts de tous pour tous. Lorsque mes collègues voient que je paie de ma poche pour pouvoir communiquer dans leur langue (en flamand, ndlr), ca crée des choses. Eux aussi font des efforts avec le français. C’est notre unité, c’est ce qui nous permet de revenir et de faire de belles prestations.
FIBA : Herman Van Rompuy, Président de l’Union Européenne, décide de renoncer à sa passion pour les Haïkus et rejoint la sélection belge de basketball. A quel poste le placez-vous ?
(Éclats de rires, puis se met à réfléchir, se prêtant sérieusement au jeu). Je le mettrais meneur, mais pas capitaine. Il est très bon pour diriger et organiser. Mais quand on est capitaine, il faut savoir taper du poing sur la table. C’est quelqu’un de très pacifique.