L'appétit inassouvi du Tunisien Radhouane Slimane
Peu de joueurs de 40 ans sont encore aussi affamés de victoires que le Tunisien Radhouane Slimane, désireux de marquer un peu plus l'histoire.
MONASTIR (Tunisie) - Peu de joueurs de 40 ans sont encore aussi affamés de victoires que le Tunisien Radhouane Slimane, désireux de marquer un peu plus l'histoire.
Après quasi deux décennies comme basketteur professionnel, Slimane pourrait être en train de savourer une retraite bien méritée ou de dispenser ses conseils depuis la touche dans le rôle du coach. À la place, l'ailier de 2,05m poursuit sa carrière de joueur et il est toujours en quête de nouveaux trophées pour venir compléter un palmarès déjà riche.
"CETTE ANNÉE REPRÉSENTE LA DERNIÈRE CHANCE DE REMPORTER UN AUTRE TITRE CONTINENTAL POUR MA GÉNÉRATION. LES JOUEURS COMME MOI, SALAH [MEJRI], [MOHAMED] HADIDANE, [OMAR ]MOUHLI POURRAIENT PRENDRE LEUR RETRAITE INTERNATIONALE APRÈS KIGALI."
Slimane - ou "Sekka", comme il est surnommé dans son pays - a aidé la Tunisie à remporter deux titres continentaux (2011 et 2017). Il a gagné la FIBA Africa Champions Cup 2011 et une année plus tard, il est devenu olympien à Londres. Il a aussi participé à deux éditions de la Coupe du Monde FIBA et il ne semble pas avoir l'intention de s'arrêter là.
Ses moyennes de 7.7 points et 3.7 rebonds en six matchs des Éliminatoires du FIBA AfroBasket 2021 n'en sont que les témoins.
Pour autant qu'il se maintienne en bonne santé d'ici le début du tournoi africain qui aura lieu en août à Kigali, Slimane a de très grandes chances de faire partie de l'effectif définitif qui ira défendre son titre cet été au Rwanda.
Slimane, qui fêtera ses 41 ans huit jours avant le début du FIBA AfroBasket 2021, nous a accordé un peu de son temps, en dépit de ses engagements avec l'US Monastir, champion tunisien en titre, pour revenir sur son parcours dans le basket et sur certains moments déterminants de sa longue carrière.
Radhouane Slimane vs Kevin Durant lors de la Coupe du Monde FIBA 2010 en Turquie
Je suis né dans la ville tunisienne de Kairouan. J'ai commencé le basket assez jeune, principalement parce que le basket est un sport très populaire là-bas.
Contrairement à beaucoup de joueurs qui sont d'abord passés par le football, moi, j'ai tout de suite su que le basket serait mon sport préféré.
À l'époque, il y avait une jolie génération de joueurs à Kairouan, et le basket faisait vraiment partie de notre quotidien.
Après avoir gagné de nombreux trophées dans des tournois jeunesse, je me suis dit que le moment était venu pour moi de découvrir d'autres environnements. Une occasion de jouer avec l'équipe senior de la JSK Kairouan s'est présentée à moi et je l'ai immédiatement saisie.
Slimane Radhouane avec le maillot de la JSK Kairouan durant la FIBA Africa Basketball League 2019
Il n'a alors pas fallu beaucoup de temps pour que des scouts et des coachs remarquent mon talent.
Peu après, j'ai reçu un appel de la sélection nationale. C'est à cet instant que j'ai réalisé que tous mes efforts avaient fini par payer.
J'ai disputé mon premier FIBA AfroBasket au Maroc en 2001. J'avais 21 ans. Nous avions réussi un bon tournoi, nous hissant jusqu'en demi-finale, mais nous nous étions ensuite inclinés d'un point contre l'Algérie. En cas de succès, nous nous serions qualifiés pour la Coupe du Monde FIBA 2002 à Indianapolis (USA). Cette défaite d'un tout petit point contre une équipe que nous avions battue de 15 points en match de préparation avait été extrêmement difficile à encaisser.
Mais, solidairement, nous avions choisi d'aller de l'avant et de tirer les leçons de nos erreurs.
Après cette compétition en 2001, nous avions commencé à bâtir une nouvelle génération de joueurs qui avaient grandi ensemble.
J'ai fini meilleur marqueur du FIBA AfroBasket 2005 en Algérie, ainsi qu'en 2007 en Angola.
Je n'ai pas disputé l'édition 2009 à cause de problèmes avec la fédération tunisienne de basketball. En 2015, j'ai quitté le groupe à trois jours du début de la compétition suite à un différend avec le coach d'alors.
Radhouane Slimane compte sept participations au FIBA AfroBasket [il n'a pas pris part aux éditions 2009 et 2015]
Évidemment, nous avons connu des fortunes diverses dans le tournoi continental, mais cela fait partie de l'apprentissage. Nous en sommes arrivés où nous en sommes aujourd'hui grâce aux expériences passées.
En cours de route, la fédération, emmenée par Ali Benzarti, a été capable de faire venir de bons coachs du Portugal, de Serbie, d'Allemagne et de France, ce qui a grandement favorisé notre développement en tant qu'équipe. Nous avons commencé à adopter un style de jeu européen.
En 2011, nous étions devenus des joueurs confiants et expérimentés. Le triomphe de neuf points en finale contre l'Angola nous a donné une énorme dose de motivation et un but. Le sacre de 2011 a réellement changé nos vies et nos carrières.
La Tunisie a remporté son premier FIBA AfroBasket en 2011 à Madagascar
Toutefois, l'année 2017 a été très spéciale pour moi et pour le basket tunisien en général.
Nous avons été les co-hôtes du FIBA AfroBasket 2017 et l'ambiance lors de nos matchs disputés devant presque 20'000 fans a été phénoménale, même si le gain du tournoi continental en 2011 à Madagascar conserve aussi une saveur particulière, parce que personne ne s'attendait vraiment à ce que nous décrochions le titre.
La carrière d'un athlète est faite de hauts et de bas et mon pire moment a eu lieu en 2013 au FIBA AfroBasket en Côte d’Ivoire.
Nous avions débarqué dans la peau des champions d'Afrique en titre, nous étions les favoris au titre. L'effectif était identique à celui de 2011, l'équipe avait gagné en maturité, mais les choses ne se sont pas du tout passées comme prévu.
Nous avions pourtant débuté la compétition avec trois victoires consécutives dans la phase de groupes, mais l'impensable est survenu en huitième de finale contre l'Égypte. Elle avait perdu ses trois matchs de la phase de groupes, mais à la surprise générale, elle s'était montrée supérieure à nous et nous avait sortis du tournoi. Cela avait été une expérience traumatisante pour nous tous dans l'équipe.
"KIGALI EST UNE VILLE MERVEILLEUSE. JE N'AVAIS JAMAIS IMAGINÉ À QUEL POINT ELLE L'ÉTAIT. C'EST PROPRE, LES INFRASTRUCTURES SONT BONNES, LA SALLE EST GÉNIALE, LES GENS SONT TRÈS ACCUEILLANTS."
Cette année représente la dernière chance de remporter un autre titre continental pour ma génération. Les joueurs comme moi, Salah [Mejri], [Mohamed] Hadidane, [Omar] Mouhli pourraient prendre leur retraite internationale après Kigali. Notre objectif est de repartir du Rwanda avec le titre. La génération qui nous suit aura besoin de temps pour être en mesure d'en gagner un autre. Nous avons un nouveau coach [].
Quand je repense à ma carrière, je suis heureux de pouvoir dire que j'ai accompli de grandes choses. Devenir olympien ne s'oublie pas, surtout de par la nature et l'ambiance des JO.
Dans le village olympique, vous croisez les meilleurs athlètes du monde ; vous affrontez les joueurs les plus talentueux de la planète, ceux que vous voyez d'habitude à la télévision.
Même si nous n'avions pas gagné le moindre match aux JO de Londres, nous avions pratiqué du basket de qualité. S'incliner de quatre points contre une équipe comme la France avait été un résultat encourageant pour nous. Nous avions mené contre la Lituanie jusqu'à trois minutes du terme ; face à l'Argentine, notre avance était montée à huit points dans l'ultime période. Nous avions vécu certains bons moments à Londres en 2012.
Beaucoup d'années se sont écoulées depuis, mais les souvenirs sont intacts.
Bien sûr que je me rappelle de l'épisode impliquant [Mohamed] Hadidane et Kobe Bryant. Hadidane portait une paire de chaussures Kobe Bryant lors de la confrontation contre les USA. À la fin du match, il avait demandé à Kobe de les dédicacer. C'était risible, mais nous avions tous trouvé ça hilarant.
Il y a eu quelques moments très drôles. Je me souviens de LeBron James dunkant sur Hadidane : la première chose qu'il a faite après, en passant devant notre banc, a été de nous demander : "C'était un bon 'poster dunk' ou pas ?" Nous avons tous répondu en rigolant : "Oui, c'en était un bon.”
Contrairement à d'autres, je n'ai demandé aucun autographe aux joueurs américains, mais j'en ai demandé un à Coach K (Mike Krzyzewski), parce que j'aime et j'admire son approche du jeu.
Comme mentionné plus tôt, nous avons vécu des moments inoubliables dans notre pays, mais nous devons toujours faire face à de nombreux défis.
Par exemple, un des problèmes récurrents dans le basket tunisien est le fait que nous n'avons pas d'agents. Malgré nos participations à la Coupe du Monde FIBA et aux JO, il n'y en a pas. Les joueurs tunisiens qui veulent exporter leur talent à l'étranger doivent se débrouiller tout seuls. Si tu joues en équipe nationale, tu as des chances de te faire repérer par un scout, susceptible de t'orienter vers des clubs.
Je me souviens de 2005, lorsque j'avais été le meilleur marqueur du FIBA AfroBasket en Algérie. Mario Palma, alors coach de l'Angola, m'avait approché et dit : "Slimane, je t'ai vu à l'œuvre dans de nombreux AfroBaskests, tu es un excellent joueur, pourquoi ne pars-tu pas jouer en Europe ?" J'ai rétorqué : "Merci, coach, mais je ne connais personne qui peut m'aider à partir à l'étranger. Il m'a alors donné un coup de main pour décrocher mon premier contrat professionnel en dehors de Tunisie, avec le club portugais du Barreirense FC, où j'ai évolué sous les ordres du Mario Gomes. Au Portugal, j'ai réussi à me hisser dans le top 10 de plusieurs catégories (rebonds, points).
Après mon expérience au Portugal, j'ai reçu des offres d'Espagne (Malaga), mais à l'époque, j'ai opté pour des opportunités plus lucratives à Dubaï et en Arabie saoudite. En 2005, je suis ainsi devenu le premier joueur né en Tunisie à jouer professionnellement en Europe.
Le lancement de la Basketball Africa League [BAL] génère beaucoup d'enthousiasme. J'ai remporté la FIBA Africa Champions Cup 2011 avec l'Étoile Sportive du Sahel.
Mais la BAL est différente à cause de tous les investissements consentis pour elle. Cela va être un grand événement. La BAL va donner une nouvelle dimension au basket en Afrique. L'occasion d'affronter des équipes de qualité est une perspective qui me réjouit vraiment.
Monastir est assurément un sérieux candidat au titre. L'équipe est excellente, nous avons sept internationaux et 3 ou 4 joueurs étrangers de qualité. Beaucoup de clubs africains sont très expérimentées dans ce genre de compétitions, par exemple Petro et Zamalek. Mais nous avons l'ambition de gagner le titre.
Kigali est une ville merveilleuse. Je n'avais jamais imaginé à quel point elle l'était. C'est propre, les infrastructures sont bonnes, la salle est géniale, les gens sont très accueillants. J'adore le pays et Kigali en particulier. Visiter Kigali a été une formidable expérience. Cette ville a tous les atouts pour organiser des compétitions comme la BAL et le FIBA AfroBasket.
Je vais avoir 41 ans en août et j'ai joué contre de nombreuses générations de joueurs (rires). Il y en a eu d'excellents dans le cadre du FIBA AfroBasket, c'est difficile de choisir les meilleurs, mais certains m'ont marqué.
Parmi mes préférés, je citerais : Luc Mbah a Moute (Cameroun), Olimpio Cipriano (Angola), mon ami Boniface N'dong (Sénégal) qui a été MVP du FIBA AfroBasket 2005, Al Farouq Aminu (Nigeria) et Mouhammad Faye (Sénégal).
Nous avons de fantastiques joueurs en Afrique. Il faut juste que les fédérations nationales et les clubs locaux les encadrent mieux et leur offrent plus de visibilité.
Par Radhouane Slimane