JO : Gruda ne cache pas les ambitions de la France
Sandrine Gruda vit une expérience inédite dans son illustre carrière.
SCHIO (Italy) - Sandrine Gruda vit une expérience inédite dans son illustre carrière.
La star de l'équipe nationale de France et leader du fameux club italien de Famila Basket Schio est en effet privée de basket à cause d'une pandémie. L'Italie, en pleine lutte contre le COVID-19, a mis en place un confinement à l'échelle du pays depuis la mi-mars.
Gruda essaie de profiter au mieux de cette situation difficile. Elle se ressource afin d'être au meilleur de sa forme pour une année 2021 qui sera riche en défis, la France visant deux titres prestigieux.
"SI ON CONTINUE COMME ÇA, AUX JEUX, ON PEUT ATTRAPER LA MÉDAILLE D’OR."
La France sera d'abord co-hôte du FIBA Women's EuroBasket 2021, qui aura lieu du 17 au 27 juin 2021.
La MVP du Tournoi de Qualification Olympique Féminin FIBA (TQOF) 2020 de Bourges guidera ensuite son pays aux JO de Tokyo, repoussés d'un an et qui se dérouleront désormais entre le 23 juillet et le 8 août 2021.
Depuis sa résidence à Schio, Gruda s'est entretenue avec FIBA.basketball.
C'est une période difficile pour tout le monde. Comment allez-vous ?
Bien. Je suis en bonne santé. Tout va bien. Je vis dans un endroit qui est agréable, presque à la montagne, il y a beaucoup de verdure autour de moi, il y a un jardin dans ma résidence, je peux sortir de mon appartement. Je ne me sens pas cloisonnée, oppressée par ce confinement. Ça compte.
Comment vivez-vous cette situation, en tant que basketteuse professionnelle ?
Au départ, je ne comprenais même pas qu’on me pose cette question. Et puis en discutant autour de moi, en lisant, j’ai compris que des sportifs vivaient très mal cette situation, je ne l’avais pas réalisé.
Pour moi, pas du tout. Je n’ai plus d’échéance. Le championnat italien est annulé, les Jeux olympiques reportés. Je reprends donc fin août début septembre.
Le confinement national a commencé le 9 mars en Italie. Pour moi, ça a commencé le 12, à mon retour de déplacement. Dès le 12 mars, j’ai posé les baskets et je suis rentré dans une autre routine. J’ai cherché de nouveaux repères. Mon objectif, c’est d’être bien. Je vois ça comme une expérience positive, une opportunité de reposer mon corps, complètement, physiquement et mentalement. Et je reprendrai avec plaisir. Évidemment, je m’entretiens, je fais un peu de sport, mais c’est plus par hygiène de vie générale que par rapport à ma carrière. Pour moi, le sport, c’est aussi important que prendre sa douche. Sportif professionnel ou non. Je dois dire aussi que je ne suis pas inquiète par rapport à mon métabolisme et ma morphologie. Je ne prends pas de poids et quoi qu’il arrive je fais très attention à mon hygiène alimentaire. En compétition ou hors-compétition. Globalement, nos carrières sont exigeantes. Ça épuise, mentalement, physiquement, les enchaînements clubs/campagne équipe de France, donc je suis contente pour une fois de ne rien avoir à faire.
La dernière compétition que vous avez jouée avec l’équipe de France, c’était le tournoi préolympique à domicile avec les Bleues. Vous avez gagné vos trois matches, dont une victoire de prestige face à l’Australie et vous avez été élue MVP du tournoi. Quelle dynamique ce tournoi a-t-il permis d’installer pour l’équipe de France ?
Je garde un très bon souvenir de ce tournoi. Les résultats évidemment, mais également la façon dont on les a obtenus. Ce qui était magnifique, c’était de voir à quel point on pouvait être en symbiose tous ensemble, vers un objectif. C’était super. J’ai aussi beaucoup aimé notre capacité à appliquer les consignes malgré un temps ensemble très court. Ces deux raisons-là m’ont conforté pour la suite. Je me suis dit : si on continue comme ça, aux Jeux, on peut attraper la médaille d’or.
Battre les Américaines ?
Franchement oui. On est sans doute la seule équipe qui peut challenger les Américaines d’un point de vue athlétique. Premier point. Ensuite, l’équipe de France n’a jamais eu autant de talent qu’aujourd’hui. Enfin, ça se joue au niveau mental. Si on arrive à être plus solides mentalement, je suis convaincue qu’on peut les challenger et sur un match, tout est possible.
On ne devrait pas réduire nos ambitions par peur d’échouer. Ça fait paniquer tout le monde, tout le monde a peur de dire ce qu’il pense. Moi non. Je le dis clairement : je veux avoir la médaille d’or aux JO de Tokyo. Demain, si on m’interviewe et qu’on n’a pas réussi, je saurai dire pourquoi, si je suis déçue. Aucun problème. Les gens ont peur de dire ce qu’ils pensent parce qu’ils ont peur de se justifier ensuite. Expliquer pourquoi un objectif n’a pas été atteint. Peut-être que ça met une pression sur eux. Personnellement, au contraire, ça crée l’effet inverse. Ça me motive. Je fonctionne comme ça. Par objectif. Si je n’ai pas d’objectif, je n’ai pas de raison de faire.
"CE QUE JE VOIS, C’EST QU’AVEC L’ÉQUIPE QU’ON A, AVEC NOS VALEURS, NOS QUALITÉS, JE ME DIS QUE C’EST POSSIBLE. SI ON AVAIT UNE ÉQUIPE DIFFÉRENTE, JE NE DIRAIS PAS QU’ON VA GAGNER."
Votre position est assez proche de celle d’Evan Fournier, qui expliquait sa déception de ne pas être champion du monde en 2019 à la Coupe du Monde FIBA, ce qui justifiait qu’il ne portait pas sa médaille de bronze, jugée décevante. Une attitude qui n’a pas été comprise de tous...
Oui, dans le basket français, je trouve que ça n’évolue pas vite à ce niveau-là. On fait toujours preuve d’autant de pudeur par rapport à nos objectifs.
Comment on prépare alors un été comme celui qui se profile en 2021 ?
Ça va être costaud, mais c’est justement là que notre fraîcheur va nous aider. On est une équipe jeune quand même. Il va falloir mettre aussi l’accent sur la récupération.
Sandrine Gruda a déjà participé deux fois aux JO, à Londres en 2012 et à Rio en 2016
En 2012 et 2016, même si le format d’un tournoi préolympique et d’un EuroBasket sont différents, est-ce que le fait de rassembler l’équipe tôt dans l’été vous a permis de mettre en place une bonne dynamique collective ? Au final, vous accrochez la finale en 2012 et une demie en 2016. Un bon signe pour 2021 ?
C’est sûr que la situation comporte quand même beaucoup de positif. Tout entraînement, match ou tournoi permet d’engranger de l’expérience. On sera prêtes si tout se passe comme je l’imagine. À condition de bien récupérer également.
Une médaille d’or sur un tournoi mondial est la dernière chose qui manque à votre palmarès. Est-ce que vous réalisez dans quelle catégorie de sportifs français vous placerait une médaille d’or à Tokyo en 2021 ?
Non. (Elle rigole) Je ne pense pas à ce genre de conséquences. Et puis je ne vois pas ça en termes de manque. Ce n’est pas quelque chose qui me manque. Ce que je vois, c’est qu’avec l’équipe qu’on a, avec nos valeurs, nos qualités, je me dis que c’est possible. Si on avait une équipe différente, je ne dirais pas qu’on va gagner. Je ne vais pas dire qu’on va gagner l’Euroleague avec Schio par exemple. Je suis ambitieuse mais réaliste aussi.
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